A propos de la Bounty
La carte de Pitcairn envoyée par Eliane m'a replongé dans une série d'histoires extraordinaires.
L'histoire des révoltés de la Bounty et de ses suites est authentique ; on peut la consulter en détail dans les archives de l'Amirauté Britannique. C'est une réalité qui dépasse tellement la fiction, qu'on l'a plusieurs fois portée à l'écran pour le plaisir des amateurs d'aventures romanesques.
Marlon Brando
Une des versions les plus célèbres fut tournée en décors naturels, à Tahiti, dans les années 60, avec des milliers de figurants, et Marlon Brando dans le rôle de Fletcher Christian, second du navire et chef des mutins. Lors de ce tournage la star tomba amoureux d'une figurante tahitienne, qu'il épousa, avant d'acheter l'atoll désert de Tetiaroa (transformé par la suite en résidence hôtelière). De ce mariage naquirent un garçon et une fille, Cheyenne. Le destin de cette famille devait, quelques années plus tard, défrayer la chronique : le fils allait assassiner l'amant tahitien de sa sœur à Los Angeles, et celle-ci se suicider à Tahiti dans les années 90. Cheyenne Brando portait un prénom farouche et une destinée tragique, comme une lointaine conséquence des aventures de la Bounty. Mais revenons à ce bateau.
La mission de la Bounty
Toute cette affaire précède de quelques mois notre grande révolution de 1789. En octobre 1788 le gouvernement anglais arme un navire pour aller à Tahiti chercher des plants d'arbres à pain afin de les acclimater aux Antilles. Le capitaine du navire est le capitaine Bligh, un marin très expérimenté, rude meneur d'hommes ; il est secondé par Fletcher Christian. Le long voyage, par le cap Horn, fut difficile et tendu ; Bligh ne laissait rien passer et faisait régner une discipline de fer. L'arrivée à Tahiti sera vécue comme une délivrance et un paradis.
Tahiti
L'île était récemment connue des Européens. Premier découvreur : Wallis, en 1767 ; vinrent ensuite Bougainville en 1768 et Cook en 1769. Tous ont laissé des récits enthousiastes ; ils avaient été très bien accueillis ; Bougainville avait donné à cette île le nom de « Nouvelle Cythère », c'est tout dire ! Les Tahitiens incarnaient parfaitement l'idéal du « bon sauvage » cher aux philosophes des Lumières (surtout Diderot et Rousseau). Néanmoins les découvreurs de ces îles lointaines avaient été peu attentifs ; aveuglés par l'accueil, la liberté des mœurs, ils n'avaient pas vu les inégalités sociales, les guerres incessantes, les sacrifices humains ou les faits d'anthropophagie qui avaient cours dans les sociétés maories.
Quand la Bounty arrive, on ne connait Tahiti que depuis une vingtaine d'années, mais les Anglais y sont considérés comme des amis depuis le voyage de Cook. La Bounty à l'ancre, les marins s'installent à terre en attendant la préparation des plants d'arbre à pain, ce qui demandera plusieurs semaines avant qu'on soit en état de reprendre la mer pour poursuivre la mission, avec plus de mille boutures prêts à être transplantés. Mais le temps passé à terre aura paru bien doux aux marins ! Et des relations se sont nouées !
La mutinerie
La Bounty lève l'ancre en avril 1789. Quelques jours après, dans la nuit du 27 au 28 avril, Christian s'empare du navire avec quelques matelots qui s'estiment victimes des mauvais traitements de Bligh. Celui-ci est abandonné dans une baleinière en pleine mer, avec des provisions, et dix-huit matelots qui lui sont restés fidèles.
L'odyssée de Bligh
La volonté du capitaine, son expérience et sa science maritime firent merveille. En souquant ferme et après de longues semaines de privations et d'efforts, la baleinière gagne une des îles de la Sonde sous domination hollandaise, d'où ils regagnèrent l'Angleterre sur un navire batave.
Après le rapport de Bligh, l'Amirauté décida de missionner au navire la « Pandora », sous les ordres du capitaine Edwards, pour arrêter les mutins de la Bounty et les ramener en Angleterre afin d'y être jugés.
Et pendant ce temps-là ?
La Bounty et les mutins
Les mutins allèrent d'abord vers une île des Australes, Tubuai, où ils furent assez mal accueillis. Puis ils revinrent à Tahiti pour y chercher des femmes : 9 femmes, 8 hommes et une dizaine d'enfants embarquèrent sur la Bounty qui remit le cap sur Tubuai. Là à nouveau les rapports furent mauvais avec la population autochtone. Quelques matelots demandèrent à revenir à Tahiti pour s'y établir.
Fletcher savait qu'un jour ou l'autre ici on les retrouverait ; il ne voulait pas rester là.
Finalement 16 mutins choisirent de rester à Tahiti, tandis que 8 restaient avec Christian, ainsi que 10 Tahitiens et 12 Tahitiennes.
La Bounty cingla vers une petite île déserte entrevue au voyage aller : Pitcairn. Là Christian fit débarquer tout son monde, tout ce qui pouvait être sauvé, puis il mit le feu au navire : c'est la fin de la Bounty et l'impossibilité de tout retour en arrière.
Les mutins de Tahiti
Ils furent bien accueillis par le roi Pomaré ; certains « gravirent les échelons » ! L'un, Thomson, après avoir assassiné un concurrent, le matelot Churchill, devint roi dans la presqu'île de Taravao, avant d'être lui-même assassiné par ses sujets, comme il arrivait fréquemment chez ces « bons sauvages ».
Quand la « Pandora » arriva à Tahiti, en mars 1791, trois mutins se livrèrent aussitôt, les autres furent rattrapés, et tous mis aux fers sur le bateau.
En rentrant vers l'Angleterre, la « Pandora » fit naufrage au nord de l'Australie, ce qui couta la vie à quatre « révoltés de la Bounty ». Finalement ce ne sont que dix mutins qui parvinrent à Londres. Livrés à la justice ils furent condamnés à mort et pendus.
Mais les autres ?
A Pitcairn
Ce sont donc 30 personnes qui se sont installés sur cette île déserte sans espoir de retour en janvier 1790. On n'entendra plus parler d'eux jusqu'en 1808, année où la « Topaze » du capitaine Folger aborde l'île, et que l'on connaisse leur histoire à Pitcairn.
Là aussi ce fut tragique ; Christian mourut assez vite, il y eut des assassinats, beaucoup de vissicitudes, jusqu'à ce que, avec la seconde génération, et sous la domination du dernier mutin survivant, Adams, devenu une sorte de patriarche, guide spirituel de la communauté une vie paisible s'organise sur Pitcairn. Le capitaine Folger avait trouvé une communauté métissée, anglophone, anglicane, et alphabétisée grâce à Adams.
En 1814 un autre bateau aborda l'île : il y avait alors 46 habitants dont seuls Adams et sept Tahitiennes étaient nés ailleurs !
En 1831 les Anglais décidèrent de transporter cette population à Tahiti. L'adaptation fut un échec. Plusieurs y sont morts et les survivants décidèrent de retourner à Pitcairn.
Ils y sont toujours. En 2008, il y a 54 habitants à Pitcairn, et beaucoup y portent le nom patronymique de Christian, ou Adams.
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